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Association Amicale des Anciens Internes en Médecine des Hôpitaux de Paris

Jean FAUREL

Jean FAUREL

La France peut légitimement revendiquer une place prééminente dans le domaine de la Chirurgie Vasculaire.Si Alexis CARREL en établit les bases expérimentales et René LERICHE les bases physiologiques, I'Ecole Parisienne s'illustra par :
- le premier succès de greffe veineuse longue fémoro-poplitée (J. KUNLIN 1948)
- le premier remplacement de carrefour aortique occlus par une homogreffe (J. OUDOT l950)
- la première résection greffe d'anévrysme aortique sous-rénal (Ch. DUBOST 1951)

Je voudrais aujourd'hui faire l'éloge de Jean Faurel, autre prestigieux chirurgien vasculaire parisien, moins connu, car malheureusement disparu prématurément, dont la personnalité et les travaux marquèrent une génération de jeunes chirurgiens vasculaires, qui contribuèrent au développement et à la maturité de cette spécialité.

Jean FAUREL (1919 - 1965)

Né en 1919, à Périgueux, dans une famille d'enseignants: Père, professeur de mathématiques, Mère, institutrice. Il commença ses études de médecine à Lyon (année préparatoire), puis les continua à Paris, où il gravit rapidement tous les échelons hospitaliers, externat des Hôpitaux, puis Internat en 1944, profitant de la formation de maîtres prestigieux :
- Jean GUILLAUME et PETIT-DUTAILLIS, neuro-chirurgiens
- Roger COUVELAlRE, urologue
- André AMELINÉ gynécologue
- Henri MONDOR, chirurgien viscéral qui fut son véritable maître à penser.

Sa formation de Chirurgien généraliste fut ainsi très complète, et c'est au cours de son Clinicat, sous la direction de Claude OLIVIER, qu'il commença à s'intéresser à la Chirurgie Vasculaire. En 1955, à l'âge de 36 ans, il fut nommé Chirurgien des Hôpitaux de Paris et quelques mois après Professeur à la Faculté de Médecine de Paris. Sa leçon d'agrégation sur les ulcères trophiques des membres inférieurs est restée célèbre dans la mémoire de beaucoup de ses élèves et de ses amis. Il se consacrera désormais à la CHIRURGIE VASCULAIRE.

Ma rencontre avec Jean FAUREL eut lieu la même année: elle fut décisive de mon orientation vasculaire. C'est avec beaucoup d'émotion et de reconnaissance qu'il m'appartient aujourd'hui de lui rendre hommage.

Sa nomination à l'hôpital Marmottan entraîna un véritable changement dans le service où j'étais interne. Avec Jean FAUREL entrait dans ce service la Passion :
- passion de l'homme pour son métier,
- passion de l'homme pour ses malades,
- passion de l'homme pour ses élèves et ses amis.

Élève de l'école Mondor, il était un clinicien de grande qualité. À une époque où les examens complémentaires étaient rares et peu fiables, quel plaisir de l'entendre interroger, de le voir examiner un patient. Aucun détail physique ne lui échappait. L'examen terminé, nous avions droit à une leçon clinique au lit du malade, ponctuée de questions aux internes et aux externes.
La spécialisation n'avait pas gagné tout le corps médical. Ses connaissances étaient immenses, bien sûr en pathologie vasculaire qu'il désirait alors développer, mais aussi en pathologie digestive, urologique et gynécologique. Seule l'orthopédie ne l'intéressait pas.

Jean Faurel nous a appris à examiner un malade. Intransigeant si nous avions oublié quelque détail, il nous l'expliquait aussitôt. Par contre, dur, inexorable s'il s'apercevait que quelqu'un trichait par négligence ou par paresse.

Il fut un enseignant remarquable, apprécié non seulement des jeunes étudiants, mais aussi des plus anciens :
- comme conférencier pour la préparation de l'Internat, et en particulier pour l'oral, épreuve d'une grande difficulté, essayant de transmettre son talent d'orateur, fait de savoir et de limpidité.
- comme prosecteur d'Anatomie à l'amphithéâtre des Hôpitaux de Paris où il excellait
dans les démonstrations opératoires, décomposant les différents temps opératoires, donnant ainsi l'impression d'un travail simple. aux plus anciens, il consacrait ses dimanches matin pour les aider dans leurs exposés de clinique et c'était un privilège, pour nous ses élèves, que de pouvoir assister à ces séances.
De nombreux Chirurgiens des hôpitaux de Paris et de nombreux Professeurs à la Faculté de Médecine de Paris lui furent redevables de leur réussite. La chirurgie Vasculaire venait d'éclore, mais tout était à parfaire, à organiser, à enseigner. Ce furent des années exaltantes, parfois dures, car J. Faurel, exigeant pour lui-même, l'était tout autant pour ses élèves. Et son travail permit :
- I'organisation de l'artériographie.Pendant des années, ce furent les chirurgiens vasculaires qui pratiquèrent les artériographies dans des conditions parfois difficiles, mais souvent avec une qualité digne d'aujourd'hui.
- I'organisation d'une banque d'artères, sur laquelle je reviendrai.
- l'organisation d'un service à orientation strictement vasculaire.

À côté de cette passion pour son travail et l'enseignement, sa passion pour les malades fut exemplaire. Sévère, perfectionniste, il était en réalité un homme d'une grande sensibilité. Sa bonté, sa générosité, son honnêteté intellectuelle, son désintéressement se dévoilaient au contact des malades.
À une époque où l'examen clinique, l'interrogatoire comptaient plus que tout, il savait écouter ses patients, y consacrant le temps nécessaire, leur expliquant leur maladie et ce qu'il comptait faire pour les aider.
Souriant peu, parfois un simple clin d'œil, un geste suffisait à établir un lien de confiance. Jean Faurel était aimé de ses malades. Combien de fois l'avons-nous vu revenir, l'après midi, le soir, la nuit pour se rendre compte de l'état de ses opérés.
Si cette disponibilité était permanente pour ses malades, elle le fut également pour sa famille, ses élèves et ses amis. Sa fidélité fut exemplaire. Être admis comme élève, était un gage de soutien, non seulement professionnel mais aussi dans toutes les circonstances de la vie.

Que doit-on retenir de son œuvre ?

En anatomie :
Ses travaux sur:
- les artères de l'œsophage
- les pédicules vasculaires et nerveux de la vessie
- les vaisseaux lombaires
- les pièges pédiculaires de l'intervention de Oudot

Sa contribution à la mise au point de :
- I'abord rétropéritonéal des gros vaisseaux de l'abdomen
- I'abord du sympathique thoracique par voie axillaire (thèse de son frère)
- I'abord de la Poplitée par voie latérale interne sans aucune section musculaire

En chirurgie :
- Le développement et la mise au point des homogreffes artérielles, remises à l'ordre du
jour ces dernières années.

Ce fut très probablement, le chirurgien vasculaire qui eut la plus grande expérience de cette technique en Europe. Plusieurs centaines de patients bénéficièrent de cette méthode au niveau aortique et périphérique.
Les contraintes de prélèvement et de préparation étaient bien moins importantes que maintenant.
Le prélèvement se faisait dans les 6 heures qui suivaient le décès. Étaient éliminés les sujets âgés, cancéreux et infectés. Les préposés des reposoirs nous prévenaient dès l'arrivée du corps et si aucune opposition ne s'était manifestée, nous arrivions avec tout le matériel nécessaire et transformions un coin de la morgue en salle d'opération. Le prélèvement était effectué avec le maximum d'asepsie et de douceur, nous familiarisant ainsi avec les différentes voies d'abord.
Les artères prélevées étaient mises dans une solution de sérum + antibiotique et nous allions les préparer en salle d'opération. Puis nous les congelions dans une bassine en inox, dans un mélange d'alcool absolu + carboglace obtenant une température de moins 75°. Ceci demandait des heures de travail qui faisaient partie de notre engagement. Ainsi se constitua une véritable banque d'artères avec des greffons de différentes tailles, conservés à moins 30°.

Jean Faurel acquit ainsi une expérience unique. Bien sûr, la méthode n'était pas parfaite et l'on vit apparaître en particulier des anévrysmes, non pas au niveau des sites anastomotiques, mais le long du vaisseau, dûs à la disparition progressive des fibres musculaires, rares au niveau aortigue, relativement fréquents au niveau fémoro-poplité, au bout de 3 à 5 ans.
Ces dégradations furent attribuées au mode de congélation, et plutôt que vers une banque d'artères, il s'orienta vers une banque de malades, les convoquant dès que l'on prélevait un greffon préparé et conservé à 4° pendant quelques jours. Les dilatations secondaires diminuèrent mais ne disparurent pas. L'infection était très rare, mais elle existait. Le rejet n'a jamais été une préoccupation et nous ne connaissions pas les groupes tissulaires.
Après la mort de J. Faurel, cette méthode disparut assez rapidement. La charge excessive
de travail qu'elle demandait, a probablement découragé beaucoup d'entre nous ; la facilité
apportée par les différentes prothèses en est aussi responsable.

Ces dernières années, sous l'influence d'Édouard KIEFFER, cette méthode retrouve un intérêt certain, en particulier dans le traitement des infections de prothèse. Le prélèvement se fait sur des sujets en coma dépassé, la préparation est beaucoup plus scientifique, mais les complications persistent. Elle n'en demeure pas moins une méthode très intéressante, et je me réjouis de voir avec quel sérieux une étude approfondie commence sous la direction de J. WATELET et KOSKAS.

La dilatation artérielle
Jean Faurel la pratiquait dès 1957. Il avait mis au point un dilatateur inspiré de ceux utilisés par les urologues, mais monté sur une gaine souple. (SIMAL 1958)
Après abord de la bifurcation fémorale, il descendait le dilatateur vers la sténose de la Fémorale superficielle ou poplitée et très lentement, progressivement, dilatait la sténose en tournant la vis micrométrique. Mais rapidement cette méthode fut abandonnée, non pas tant en raison du matériel, qu'en raison de l'observation clinique des résultats bien décevants, à court et moyen terme.
N'en est-il pas de même aujourd'hui malgré un matériel beaucoup plus sophistiqué ?

L'aspiration endoartérielle, autre sujet d'actualité, était couramment employée dans le service en cas d'embolie ou thrombose périphérique. Cela à l'aide de petites sondes montées sur seringues et introduites après abord chirurgical de la Fémorale commune le plus souvent. En 1963, l'arrivée de la sonde de Fogarty bouleversa cette méthode.
Il est intéressant de constater qu'elle apparaît de nouveau mais par voie percutanée. Enfin la chirurgie carotidienne, dont il fut un des grands maîtres depuis 1957.

Dans une communication à l'Académie de Chirurgie, en février 1965, il relata son expérience de 159 cas, décrivant avec minutie :
- les différents types anatomo-pathologiques de plaques,
- les complications de la thromboendartériectomie isolée sur artère de petit calibre,
préconisant dans ces cas l'utilisation d'un patch, ou d'une greffe veineuse si les lésions étaient trop étendues,
- la possibilité d'opérer dans certains cas sans avoir recours à l'artériographie, lorsqu'il était sûr du diagnostic par l'examen clinique : perception du souffle et de la plaque qu'il nous avait appris à palper avec la plus grande minutie et la plus grande douceur.
À cette époque, l'examen par effet Doppler, l'échographie n'existaient pas, l'artériographie par ponction n'était pas dénué de danger.

Jean Faurel fut donc un précurseur puisque 32 ans après, de nombreuses équipes insistent sur la nécessité de cette angiographie ou de greffe veineuse, et que certaines équipes proposent l'intervention sans angiographie.
Toujours dans le domaine carotidien, anatomiste et chirurgien, il fut l'initiateur de la revascularisation de la Carotide Interne extra-intracranienne. Il en réalisa les premières interventions, reprises ensuite par les neurochirurgiens. Et enfin, dès 1963, il s'intéressa à la revascularisation des coronaires.

S'il publia peu, il inspira de nombreuses thèses:
- sur la chirurgie des oblitérations et fémoro-poplitées,
- les sténoses carotidiennes,
- les homogreffes artérielles et leurs complications.

Ses qualités d'Anatomiste, associées à la douceur du geste opératoire ouvrirent pour moi une nouvelle vision de l'acte chirurgical.

Le temps ne comptait pas, La minutie, I'hémostase parfaite, le bon plan toujours trouvé, I'arrêt du geste pour réfléchir en cas de difficultés, la connaissance parfaite de l'Anatomie et de ses pièges, faisaient de l'acte chirurgical un acte de toute beauté et de grande harmonie.

Certains d'entre nous ont peut-être entendu, ou lu, le merveilleux discours du Professeur Chatelain, urologue des Hôpitaux de Paris, Président du 98° Congrès Français de Chirurgie en I996, traçant le parallèle entre la chirurgie et la musique, le chirurgien et le soliste, à qui, tous deux, il faudra des années d'apprentissage, de rigueur technique, de sensibilité, à la recherche de la perfection, pour exprimer toute la beauté d'un acte chirurgical ou l'harmonie d'une sonate. Intelligence et sensibilité de la main caractérisaient le talent chirurgical de Jean Faurel.

Il nous quitta un matin de mars 1965, accidenté sur la route, se rendant à Joigny, pour aider, une fois de plus, un ami. Jean Faurel fut un grand Patron.

 

Pierre Le Bas (promotion 1956)
Président du XII° congrès annuel de la Société de Chirurgie Vasculaire de Langue Française (Nice juin1997).
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