Henri MONDOR (promotion 1909)
La plume et le bistouri
Henri Mondor est l'un de ces nombreux provinciaux "montés à Paris", attirés par le désir de découvrir leur voie à travers une formation réussie ! Il a choisi l'Internat des Hôpitaux de Paris. Auvergnat né à Saint-Cernin, dans le Cantal. Son père y était directeur de l'école primaire. Il y est né le 20 mai 1885. "C'est là, entre un père austère et docte, une mère gaie, tendre et citadine, elle, de naissance, que m'est venue une passion de poésie et de sédentarité qui devait enrichir les heures et les ans d'un enchantement jamais menacé (Henri Mondor)".
Il doit sa vocation de médecin à sa mère à laquelle il restera constamment très attaché. Henri Mondor le relate lui-même : "Rien ne m'orientait énergiquement vers la médecine. Je me souviens toutefois d'un vieux géologue qui, après m'avoir regardé avec des yeux entraînés par l'observation des terrains, des silex, des empreintes végétales, avait dit à ma mère -j'avais six ans - ! "faîtes-en un médecin : il a l'air attentif"…
C'est durant ses études médicales qu'il rencontrera Georges Duhamel et que se nouera un lien amical qui ne se desserrera jamais et les conduira tous les deux à l'Académie française où l'un accueillera l'autre.
Le chirurgien
Il est reçu à l'Internat des Hôpitaux de Paris en 1909 et sera médaille d'or en 1912. Sa carrière de chirurgien sera fortement influencée par son Maître Lecène, auquel il consacrera un ouvrage. Il poursuivra une carrière de chirurgien et de patron que l'on qualifiera de "traditionnelle", surtout par la qualité de son enseignement et le sens des attitudes appropriées dans le cadre de l'urgence dans un contexte diagnostique et thérapeutique difficile. Son ouvrage le plus connu : Diagnostics urgents - abdomen qui décrit si bien l'art de la palpation, a été constamment réédité, depuis 1928, par les Éditions Masson jusqu'à une période récente. "on trouvera dans ce livre… seulement l'étude des symptômes et la recherche du diagnostic", écrivait-il dans la préface de la première édition.
Son nom est attaché à un signe évocateur d'une plaie du cœur décrit dans le contexte du grand charnier de la guerre 14-18. Une maladie porte son nom, confirmé il y a peu par les dermatologues. Il s'agit d'une phlébite de la paroi thoracique.
L'homme de lettre et académicien
Son œuvre littéraire est très importante, essentiellement représentée par des biographies et commentaires de leurs œuvres, d'hommes de lettre, principalement Valéry et Mallarmé avec le fameux Vie de Mallarmé (son texte fait toujours l'introduction de l'édition des œuvres de cet auteur dans la pléiade) mais aussi Alain et Maurice Barrès,.
Anatomistes et chirurgiens, Dupuytren, Hommes de qualité, Pasteur, René Leriche sont ces titres qui le conduiront à occuper le siège de Paul Valéry à l'Académie française, accueilli par Georges Duhamel qui l'y avait précédé.
Au lendemain des deux cents ans de l'Internat, il convient de rappeler que les 150 ans étaient placés sous sa présidence. À cette occasion il a prononcé un discours célèbre. Il y fait un vibrant éloge de la fonction de l'Interne : "L'interne offre au Chef de service de matin en matin, sa fraîche érudition, son enthousiasme de curiosité et un intelligente sollicitude pour tous les malades hospitalisés".
Le dessinateur
Les doigts de ce grand médecin humaniste n'étaient pas seulement habiles à ouvrir les ventres ou à écrire des textes admirables, ils maniaient aussi le crayon avec une dextérité et une finesse rares. Les dessins d'Henri Mondor ont illustré les œuvres de Valéry (L'Homme et la coquille), de poètes (Anne Fontaine, Yanette Delétang-Tardif) et un hommage d'Henri Mondor à Georges Duhamel (Lettres et Images pour Georges Duhamel).
Il a suscité l'admiration des femmes (Anne Fontaine a écrit une biographie élogieuse) et des hommes (Binet en a fait de même avec ce titre si bien choisi : les vies multiples de Henri Mondor).
Deux hôpitaux portent son nom : l'un dans son pays d'origine à Aurillac où se trouve aussi un musée Henri Mondor avec sa statue en cire revêtue de son habit d'académicien.
L'autre fait partie de l'AP-HP et est à Créteil. Ce dernier choix s'est fait, peu après sa mort en 1963, à l'initiative d'un ministre des affaires sociales du Général De Gaulle, Jean Marcel Jeanneney. Son épée d'académicien, offerte par ses élèves, et fabriquée par Cartier, est au musée de l'AP-HP.
Henri Mondor a incarné, pour certains, la fin d'une époque où l'on pouvait se permettre d'être à la fois un très grand chirurgien et un homme de lettre. Ce temps n'est peut-être pas révolu, puisque récemment un autre ancien interne des Hôpitaux de Paris, chirurgien, le Pr Yves Pouliquen (promotion 1957) a lui aussi trouvé sa place sous la coupole. On peut espérer que la technologie triomphante n'a pas tué l'humanisme chez les médecins.
Claude Hamonet
promotion 1965