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Association Amicale des Anciens Internes en Médecine des Hôpitaux de Paris

Augusta Klumpke (promotion 1887) et Blanche Edwards (provisoire en 1886)

Augusta KLUMPKE

Des femmes à la conquête de l'Internat des Hôpitaux de Paris

1887 est une date très importante dans l'histoire de l'Internat des Hôpitaux de Paris. Pour la première fois, une femme, est nommée interne des hôpitaux de Paris 16ème sur 52. Elle avait obtenu la meilleure note à l'écrit (29/30) au concours précédent mais avait été "coulée" à l'oral avec un 1/10 à l'oral (Jacques Fossard) ! Cette place avait été conquise de haute lutte et était l'aboutissant des efforts acharnés de deux étudiantes et de leurs familles : Augusta Klumpke et sa camarade d'études à la Faculté de médecine, Blanche Edwards. Cette dernière aura moins de chance et ne pourra qu'être nommée interne provisoire aux Enfants assistés.

L'époque était peu propice aux femmes qui ne pouvaient pas trouver d'établissement pour préparer le baccalauréat et devaient le passer en candidates libres. Dans l'esprit de la majorité, le rôle de la femme devait se situer au niveau du soin de base représenté dans l'imaginaire populaire par la religieuse "à Cornette" puis par ces "religieuses laïques" introduites par Bourneville avec la création des premières écoles d'infirmières en France, presque simultanément avec Florence Nightingale en Grande-Bretagne.
Médecin était un métier d'homme. Par contre, une brèche était ouverte en France avec l'autorisation d'inscription de femmes à la Faculté de Médecine de Paris, mais aussi d'Alger. C'est ce qui avait incité la mère d'Augusta, américaine d'origine russe, à quitter Lausanne où sa famille était installée pour venir à Paris.

L'histoire des parents de Blanche n'est pas moins singulière. Son père, Georges Hugh, était médecin et anglais, fils d'un ministre de Disraeli décédé à 28 ans. La grand-mère de Blanche émigrera et se fixera en France où son fils a fait ses études de médecine. Il s'installera à Milly la Forêt où il exercera une médecine de campagne "à cheval", ami de Guizot, il sera le médecin de Théophile Gauthier et Michelet. Blanche herborisait avec son père, prélude à Jean Cocteau avec ses "simples", et à une vocation médicale et sociale qui sera son activité future de femme et médecin "engagée".

En attendant, il s'agit pour ces femmes décidées de trouver leur place dans un système largement dominé par la gente masculine et peu enclin à voir, des femmes quitter leurs fourneaux et les couches des enfants pour exercer le noble art d'Hippocrate à leurs côtés. La voie avait été ouverte par Melle Madeleine Brès, jeune veuve avec trois enfants, qui fut la première française inscrite à la Faculté de médecine de Paris, dès 1868. Elle sera interne provisoire de Paul Broca qui dira d'elle : "… En cette qualité, elle est restée pendant les deux sièges de Paris et après, jusqu'au mois de juillet 1971. Son service a toujours été irréprochable." Elle a été la première française à être "thèsée" en 1875. Elle ne fut pas autorisée à poursuivre en milieu hospitalier et du s'installer en ville !

En 1882, les femmes sont autorisées à concourir à l'externat (Augusta Klumpke et Blanche Edwards obtiennent un très bon classement), mais pas à l'Internat. Pourtant le règlement stipulait, à l'époque, que tous les externes devaient s'engager à présenter l'internat à partir de la deuxième année. C'est sur cet argument qu'Augusta Klumpke et Blanche Edwards furent autorisées, au dernier moment, de se présenter au fameux concours. Le Directeur de l'Assistance publique, Monsieur Quentin, fut mêlé au débat, ainsi que le Préfet Poubelle, célèbre par ailleurs, pour d'autres décisions d'hygiène publique dans la capitale, donnera l'ordre d'inscrire les deux candidates femmes au concours de l'internat.
Un grand débat s'est développé pour savoir si des femmes du fait de leurs forces physiques, de leurs "forces intellectuelles" (on les considérait, à l'époque comme "moins intelligentes") et de leurs "forces morales" (manque de sang-froid). Leur présence en salle de garde était à l'origine de tous les fantasmes dans une société qui avait le père Dupanloup (pourtant bien brocardé par les internes jusqu'à maintenant) pour modèle moral.

Un soutien très décisif a été celui du pouvoir politique contre le pouvoir professionnel (le Doyen Vulpian), en la personne de Paul Bert, membre du gouvernement qui a pesé de tout son poids dans cette affaire. Tout ceci est "passéiste" et la place des femmes au sein de notre "internat" contemporain est largement acquise. Il faut tout de même situer ces faits dans le contexte de l'époque. L'accès des femmes dans les facultés de médecine, se faisait au compte-goutte, la France et la Suisse se montrant les moins défavorables. Les horaires lors de la préparation sont ceux que nous avons connus : à 8 heures dans le service pour examiner les malades avant la visite du patron, après le déjeuner : dissections et cours ou travaux pratiques de 21 heures jusqu'à minuit ou 2 heures le matin : préparation de concours en bibliothèque, chez soi ou en "conférence ou sous conférence". Avant les épreuves du concours de 1886, Augusta Klumpke et Blanche Edwards on du être enfermées dans un amphithéâtre pour être soustraites à la vindicte des candidats. L'effigie de Blanche fut même brûlée au Bal de l'internat, salle Bullier ! De 1886 à 1908, on comptera seulement 9 femmes nommées à l'internat et 6 provisoires.

Augusta Klumpke épousera le Professeur Déjerine en 1888 elle fera sa carrière en neurologie, à Bicêtre, puis à la Salpêtrière dans le service de son mari. Elle dirigera l'Hôpital des Invalides durant la guerre. Elle laissera son nom à un type de paralysie du plexus brachial (Dejerine-Klumpke). Blanche soutiendra sa thèse devant un Jean-Martin Charcot, peu convaincu de la place d'une femme en médecine et qui le dira. Elle avait pourtant fréquenté son service comme externe où elle côtoyait Bourneville et Babinski. Elle jouera, aux côtés de son mari, un rôle important dans la formation des infirmières mise en place par Bourneville. Elle a enseigné dans la fameuse salle de la "clinique Charcot" à la Salpêtrière.

Références :

- Jacques Fossard (1982) "Histoire polymorphe de l'Internat en médecine et en chirurgie des Hôpitaux et Hospices civils de Paris",C.P.B.F. Paris.

- Françoise Leguay, Claude Barbizet (1988), "Blanche Edwards-Pillet, femme et médecin (1858-1941)", éditions Cénomane, Le Mans.

Claude Hamonet
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